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1 octobre 2015 4 01 /10 /octobre /2015 21:03
île des pierres dressées
île des pierres dressées

1 les prés salés

J’arrivais au bout de ma journée de voyage.

Je ne pouvais pas aller plus loin parce qu’en face de moi s’étendaient des sables mouvants que seuls les connaisseurs traversaient à marée basse avec prudence.

J’arrivais dans un village tranquille qui résonnait au rythme de la vie animale, du pas tranquille du cheval du cantonnier aux moutons des prés salés.

Les ombres pastel du crépuscule appelaient au silence.

Les eaux arrivaient au terme de leur course, s’immobilisaient, captives de la baie.

Toi, l’ami gitan, arrivé pour la procession de juillet, tu dansais au pourtour de mon âme, une danse d’abeille avec son aiguillon, aussi ardente que la flèche lointaine de l’abbaye du Mont St Michel…

2 le Mont St Michel

Depuis les prés salés l’île du Mont St Michel apparaissait mystérieuse et magique

Dans la baie se profilait aussi une île sombre et déserte, repaire des oiseaux l’île de Tomblaine, île prison d’autrefois.

Dès le lendemain matin je pris le car pour visiter le Mont, deux texanes m’accompagnaient.

L’heure matinale nous épargna la foule des touristes. Nous pûmes monter sans encombre l’unique rue bordée de boutiques et de restaurants, en ce petit matin de début juillet.

Nous découvrions la baie à marée basse, depuis le parvis de l’église. Comme un réseau de veines éperdues, un delta éparpillait son eau argentée dans le sable immaculé où la force des marées ne semblait laisser aucune place à la végétation aquatique.

Librement, nous visitâmes le chœur de l’église et les salles du monastère et nous pûmes nous surprendre à admirer la beauté de la lumière cristalline des jardins du cloître et ses colonnes formant voutes et ogives.

De retour à Avranches, nous allâmes dans les jardins de la mairie, on y donnait une fête folklorique, nous goutâmes au gigot des prés salés et assistâmes à des danses où la grâce des jeunes filles était révélée par leur jupon virevoltant et leur coiffe papillonnante.

3 Saint Malo

Nous sommes arrivés face à la ville légendaire, depuis la gare, par la route des docks encombrés de leurs réserves de bois.

Nous sommes entrés par la porte marine, pas loin de la statue de Chateaubriand.

A droite, s’étalait la place de la mairie et au bout le musée de statues de cire où est retracée l’histoire de la ville et de son héros : Surcouf.

Nous nous sommes promenés quelques jours parmi ses rues et ses ruelles découvrant halls et places de marchés, bouquinistes et petits musée de poupées.

Tu achetais des cigares et nous allions boire du Ricklès dans les petits bars à matelots.

Le matin tu vendais ton « or de trottoir » sur les marchés Le jour tu dessinais sur le parvis de la cathédrale je te regardais colorier un visage de Christ et l’entourer de roses devant les badauds attentifs à découvrir le personnage illustré.

Les piécettes tombèrent dans le demi-ballon de caoutchouc posé sur le bitume tandis que tu t’essuyais les mains sur le devant de tes jeans …

Méandres de pierres et de granit rose, vous vous perdez dans l’eau de la baie, vous vous offrez corps et âmes à la Mer nourricière.

Et vos remparts gardent les secrets des trésors conquis.

4 le port de Dinan

Nous sommes arrivés à Dinan par le viaduc

Et sommes descendus dans le port par les venelles à flanc de collines

C’était l’heure bleue en été, un goéland aux ailes argentées planait et descendait en piqué vers la surface de la Rance.

Des lampadaires aux allures de bec de gaz éclairaient les pontons, bercés mollement par l’eau douce.

Des voiliers et des yachts alignés face à la berge semblaient s’assoupir après les épreuves de la mer.

Au crépuscule, les voiles sont plus blanches et les peaux plus sombres. Les terrasses se peuplent d’une foule colorée et polyglotte et s’éclaboussent d’éclats de rires dans les parfums de fruits de mer, de cidre et de bière fraîche.

Port de mer perdue en terre, tu demeures le havre de paix des amoureux de l’eau.

5 la vallée de la fontaine les eaux

Nous sortions du port par la route basse qui se perdait dans la vallée encaissée, à notre droite la route montée raide et boisée tandis qu’à gauche une prairie s’élargissait puis faisait place à des jardins et des parcs qui entouraient les trois moulins de la vallée.

Les moulins à eaux n’étaient plus en fonction mais continuaient à être habités.

Celui du milieu était mon havre de prédilection...

Là je me savais bien venue même sans avoir prévenu de mon arrivée.

Ceux qui vivaient là ignoraient l’usage des clefs.

Il y avait toujours quelque part un lit pour accueillir un voyageur de plus.

Nous partagions tout, la faim et les gueuletons, les combats et les victoires, les travaux et les jours de fainéantise.

Nous étions jeunes et de la race des sans frontières…

Avec juste l’idéal d’une vie hors des sentiers battus.

6 le cap Fréhel

D’abord une lande entre ciel et mer, comme un tapis volant aux couleurs de bruyères et de genêts suspendait nos regards.

Nous empruntions des chemins étroits ils nous menaient au flanc de la falaise, à mi-chemin entre les embruns et l’à-pic.

Nous marchions à la file indienne, ignorant le vertige et la peur, juste friands de sensation forte : Sentir le vent s’engouffrer dans nos chemises et s’éclabousser d’écume….

Nous gravissions les blocs de granits roses pour remonter, lorsque le sentier disparaissait, nous nous poussions, nous nous tirions, sans angoisse et sans complexes, insouciants et inconséquents tels de jeunes chiens fous….

7 Trébeurden

La grande bâtisse à l’architecture Le Corbusier surplombait le cimetière de bateaux de pêche.

En bas des marches, un sentier nous menait dans une petite crique où l’eau arrivait en douceur à marée haute.

Nous nous y cachions et pataugions à souhait quand le soleil devenait trop chaud. Le soir, nous nous promenions parmi les carcasses de vieux bateaux, tranquilles, recueillis et silencieux, nous communions à ce lieu de paix et de mémoire dans la lumière qui allongeait les ombres pour les rendre plus présentes, plus indissociables de la vie sur terre.

Le soir du quatorze juillet, nous avons regardé s’embraser les feux d’artifice des sept îles, perdues en mer et sorties de la brume pour une symphonie unique de lumière.

8 Le vieux moulin

Les pierres du ruisseau chantent la paix du fond des âges

Les ronces des muriers tissent un linceul inviolable au vieux moulin

La roue à aubes a cessé de moudre le temps

Le corps nu et bleui de la fontaine demeure creux et stérile

Le vent brode au point de tige la prière cristalline de deux bouleaux enlacés

Les bambous violoncelles vibrent de longs frissons Que le tilleul parfume et amplifie

Gardien vénérable du temple végétal,

Le châtaignier centenaire baigne ses racines parmi les pierres et dissimule le pont de bois sous l’ogive de sa ramure

Les bouquets pastel des églantiers épousent la muraille

Les fougères balancent leur majestueuse chevelure Sur les pentes abruptes de la vallée

Aux pieds des arbres à l’ordre bouleversé par le tumulte des tempêtes hivernales se répandent les prêles et le liseron, intimement mêlés.

Paisible et sauvage le présent épouse mon souvenir.

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