LEGENDES
POESIE
YVETTE VASSEUR
Il n’y a pas si longtemps
La nuit était tombée
Sur le monde des hommes
Il n’y a pas si longtemps
Les plus faibles tombaient
Sous le joug des plus forts
Il n’y a pas si longtemps
Des terres paisibles venait
Le souffle des ailes de la mort
Alors la vérité n’avait plus court
Elle se maquillait d’une réalité
Rebrodée en patchwork
Alors les hommes
Genoux en terre
Aveugles
Mais sincères dans la douleur
Défendaient les causes
Bannies le lendemain de leur mort
Alors du fond de leurs abris dorés
Les vipères sortaient s’engraisser
Sur le dos des grandes misères
Le soleil
S’est levé le jour
Où l’ombre était si forte
Qu’il a failli mourir
L’éclipse était trop longue
Le ciel autour trop blafard
La mort de l’espoir
Comme une lèpre
Avait tout abîmé
L’amour l’amitié
Et la chaleur du foyer
Le soleil s’est levé
Sur un champ de ruines
Mais avec cette volonté
De regain !
De celle qui déplace les montagnes !
Regagner
Son intégrité physique
Sa crédibilité
Et l’affection des siens
Le soleil s’est levé
Et le ciel s’est souvenu de nous
Le sang clair de nos veines
Nous a poussés à relever nos manches
Et reconstruire nos vies
Quelque part
Le front têtu du ciel
Avait oublié sa ride du lion
Pour nous faire grâce d’un orage
Le temps de vivre
De l’aube au crépuscule
Et du crépuscule à l’aube
Pour des millénaires
De puissance humaine
Quelque part
Le sourire des dieux
Avait consenti au printemps
Et les glaces rompues
Grossissaient le débit des sources
Quelque part le souffle des alizés
Attisait le chant des hommes
Partis pour des pêches miraculeuses
Quelque part
Le ciel et la terre s’embrassaient
Le cyprès épousait la rose
La lumière embrasait le monde
Nous avons quitté le refuge des grottes
Où nos ancêtres avaient rangé le ciel
Nous sommes partis
Enivrés et forts
Des parfums de l’impossible
Des questions des enfants
Du goût de la conquête
D’un univers sans limite
Nous sommes devenus les nomades
A rêver le monde les yeux ouverts
A faire pousser les fleurs
Dans les narines des dieux
Nous sommes devenus les peintres
De l’éphémère éternel
Nous avons fait le mélange des couleurs
Sur nos ailes
Nous sommes devenus les musiciens
Des impossibles harmonies
Mariant l’imzad à la bombarde
La cithare à la cornemuse
Nous sommes devenus les frères
Des légendes de nos ancêtres
Nous avons traqué
Les faiseurs d’esclaves
Pour briser le sceau des damnations
Nous avons rendu au peuple
La lumière de la condition humaine
Et le sang de l’espoir
A fait battre nos cœurs
En flots libérateurs
Nous avons planté les graines
De la connaissance
Et du questionnement
Pour ouvrir aux enfants
Les fenêtres d’un avenir
Où tous les possibles
Seraient permis
Nous avons jonglé
Avec les mythes fatalistes
Pour en faire les catharsis
Des haines fratricides
Nous avons parlé de ce dieu
Qui eu trois enfants de la même terre
Nous avons parlé d’un sauveur
Dont la légende a pris racine
Dans le berceau des philosophes
Nous avons parlé d’un sauveur
Dépouillé d’or
Pour partager la paille de l’humanité
Nous avons parlé des sagesses
De l’harmonie du monde
Et du silence de l’homme
Qui s’en abreuve l’âme
Et nous nous sommes tus
Face au crépuscule des dieux
Et au matin de l’Homme.
LEGENDE LA FEMME
La peur demeure cachée
Sous les pierres
L’ornière offre sa saillie
A nos rêves embourbés.
Mais l’aube maîtresse
Déchire le voile sombre
Et sans étoile
L’aurore
Liqueur blanche
Au sortir de l’alambic
De la nuit
Réchauffe l’âme.
L’instant volé aux anges
Offre aux vivants
L’étincelle d’éternité.
Le chant des nuages s’amplifie
Porté par le vent
Et la terre prie plus fort.
L’espoir est au milieu de nous
En dentelle du jour
Fleurs nouvelles
Sur la table du festin
Des noces promises.
Le volubilis du jour
Éclot pour enlacer
La certitude du rêve.
Nouvel horizon,
Nacelle d’un ballon-soleil
Pour les âmes voyageuses
Aventurières de l’errance.
L’ombre tiède et molle
Irise sa couette de cumulus
Au pinceau de la lumière
Tandis que la plaine
Creuse les reins
Sous la caresse du vent redoublé.
Tu ne peux pas partir maintenant !
Il manque un coquelicot
Pour parfaire le tableau
De cet orage d’été.
Les mains du silence
S’emparent de la coupe des mots
Pour porter à nos lèvres
Le vin heureux
De l’instant de communion.
Quitte à jamais
Ton armure d’habitudes
Qui te garde à l’abri
De l’inconcevable folie !
Exhume tes souvenirs
Ose l’éclair
Qui illumine le sanctuaire
De tes amours.
L’impact nous ouvre
La porte de l’osmose
L’instant sublime
Où tout n’est que scintillement
Et nous en franchissons le seuil.
Te convaincre de l’imminence
De la clarté
Assis sur la portée des songes
Ta pensée s’unit à la mienne
Fièvre féconde en plaisir.
Sang chaud
Fébrilité naissante
Puisée dans le courant
Des vents puissants
Impérieux désir d’échappatoire.
Au mitan des cœurs
Gardienne de nos attentes
Cernée des lagons de nos rêves
Nos âmes y flânent
Vivifiées
Par la puissance
De l’espérance.
Plus haut que la chape des nuages
L’azur garde sa beauté primaire
C’est en elle que nous nous plongeons
En quête de l’initiale lumière
Source d’abandon et de plénitude.
Rester un instant le souffle court
Baignées par l’or blanc d’une aurore
En ondes fuyantes jusqu’au bout de nos doigts
Dans l’immobilité hagarde du fœtus
Le corps déserté d’énergie
L’âme flottante au-dessus de nos vies.
La marée basse emmène
Au large les débris
De la lampe au génie
Evaporé.
Sombrer
Un naufrage lent
A grelotter dans la chaloupe
Des solitudes
Vêtue des lambeaux froids
De la mémoire.
Crépuscule solitaire
Crépitement de pluie
La lumière reste prisonnière
Des horizons à venir.
Hululement du vent
Résolu à s’incruster
Dans les ornières de la mémoire.
Les joues blanches des fenêtres
Ruissellent sempiternellement mouillées.
La déchirure arrive avec la nuit
Fil à fibre écorchée
Sombrer dans le silence
Assèchement de l’ombre.
Sang d’encre
Proximité immobile
Projections incontrôlables.
Devenir accessible
A l’effritement des certitudes
Décadentes probabilités
Dévoreuses d’espoir.
L’esquisse d’un regard
Par dessus les brumes
Enfouisseuses de plaisir.
La caresse d’un matin
Promis sous le corail de l’aube.
Et je t’éveillerai
O toi mon île
Et je t’exhumerai de l’abîme !
Mon cri sera plus fort
Que le chant des sirènes
L’orage habite encore
Au revers de mes nuits !
Troubler ton sommeil d’homme
Impétueusement
Porter l’estocade à ta résistance.
La liqueur de mes lèvres vient étoiler ton sang
La fleur offerte de ma main
Orne la boutonnière
De ton désir.
A la source creuse de nos reins
L’eau monte irréversiblement.
Dans la forêt des gestes
Trouver l’arbre du plaisir.
Tu as glissé ta patte blanche
Sous la porte
Mes gonds points de repères
Ont vacillé, tombé
Dans la poussière des habitudes
Ouvrir la porte des tabous
Voir plus loin que la nuit millénaire
Annihiler
Le bien et le maL
N’être que la flèche sortie du carcan
Pour cibler l’horizon de l’impossible !
Entends-tu gémir
Les harnachements des chevaux
Ils mènent grand train
Sur la route obscure et profonde
Vers la vallée précieuse de l’extase !
Guide-les !
O mon amour !
Que la lumière incandescente
De cette vallée
Irradie nos âmes !
LEGENDE DE L’ENFANT
Tout commence
Par un éblouissement
Par un cri
Poisson devient Oiseau
A hauteur d’homme
Voler dans les bras
Goûter la vie
Les poings serrés
Autour d’une première
Mappemonde
Rêver de ses sens
Sourire aux anges
Emerveillés d’innocence
Explorateur et funambule
Orgueil des impondérables
Prendre la vie à bras le corps
Comme un ballon
La lancer plus loin en riant
le vocabulaire la poésie
A fleur de lèvres
Sentiments entiers
Jouer de la comédie
Pour annihiler la tragédie
Démystifier l’angoisse
Regarder les « grands »
Entre confiance et peur
Entre envie de puissance
Et besoin d’amour
Envoûtant petit soleil
Roi de Cœur
Roi de Pique
Atout majeur du destin
Tout continu
Chaque matin
Et tout fini