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18 avril 2021 7 18 /04 /avril /2021 18:53

QUELQUES UNS D’ENTRE NOUS

 

 

PAUL & DIDIER

 

J’ai rencontré Paul alors que je travaillais au laboratoire de l’usine Lepoutre à Roubaix. Il était contre-maître de teinture pour l’équipe d’après-midi, après avoir été contre-maître de nuit.

Représentant syndical, il s’était opposé aux licenciements économiques dans cette usine rachetée par le groupe Chargeur .

C’est alors que j’ai vu débarquer Leleu : DRH que je connaissais bien pour lui avoir serré la main à l’usine Tiberghien à Tourcoing...Quand le  loup (« leu » en Picard )est dans la bergerie c’est qu’il va y avoir de la casse. Ce gentil bonhomme avec sa raie sur le côté et ses lunettes à montures métalliques avait le sourire carnassier de celui qui a pour mission de dégraisser le personnel et d’y arriver par tout les moyens.

Le personnel du labo et son staff de personnel administratif a fondu comme neige au soleil dans les années qui ont suivi. Dans les années 80 nous étions 5 au labo, en 93 j’étais seule l’après-midi jusqu’à 21 heures. Pourtant j'étais censée faire la même quantité d’essais que lorsque nous pouvions nous entraider et qu’il y avait un aide laborantin pour préparer les matières ou des colorants.

Toujours est-il que Paul a lutté tant qu’il a pu, mais beaucoup ont accepté le licenciement, pensant qu’après avoir reçu leur prime , ils pourraient mener la belle vie un moment et qu’ils retrouveraient du travail ailleurs…

Seulement, le textile dans ces années là avait l’allure d’une peau de chagrin.

Si l’usine lepoutre a fonctionné en passant le cap de l’an 2000, c’est que la teinture fil, qui avait coûté 1 milliard de Francs marchait avec trois personnes par équipe : un teinturier, un garnisseur et le directeur de teinture. Le peseur de colorant lui, travaillait autan pour le fil que pour la pièce.Ces machines étaient si grandes que le garnisseur rentrait dedans avec le Clark.

 

Didier, un garçon blond est jovial, qui, le vendredi soir venait essorer et sécher ses bleus de travail après les avoir lavé dans un seau, pour ne pas les ramener à sa femme qu’il vénérait et pour qui il préparait des soupers aux chandelles, a accepté le licenciement.

Il a flambé sa prime et comme il ne retrouvait pas de travail, il a fait la mule avec sa moto..et s’est fait arrêter et écoper de 5 ans de prison.

 

Paul, lui, a vendu sa maison pour partir travailler dans une filiale de Normandie. Mais, arrivé là bas, il a appris qu’il y aurait aussi des licenciements sur ce site. Il a demandé sa réintégration à Roubaix…

Il a travaillé à la teinture fil, le week-end. Travaillant 24 heures payées 48. il ne voyait plus personne de ses anciens collègues, il ne pouvait plus influencer personne.

Ironie du sort, le logement que la société d’HLM lui a attribué à son retour dans le Nord, était celui qu’il avait occupé avant d’acheter sa maison.

 

Voilà un aperçu de ce qu’est, comme disait mes parents « la lutte du pot de terre contre le pot de fer.

 

YZA le 18/04/2021

ILLUSTRATION : site de l'usine Lepoutre dont il ne reste que la cheminée par rapport aux batiment initial.

 

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