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3 février 2024 6 03 /02 /février /2024 17:22
  1. Les carrières

Ceux du hameau appelaient « carrières » tous les chemins

qui s’en allaient à travers champs depuis la chaussée principale.

Carrières de terre noire et poussiéreuse,

Jonchées de silex beiges et jaunes comme des œufs d’oiseaux brisés.

Mannes pour nos frondes de gosses chahuteurs.

Projectiles redoutables, ils atteignaient parfois la tête de ceux trop lents à se cacher.

Le sang rouge et poisseux collait les cheveux,

Mouillait les mouchoirs à carreaux, tandis que s’élevaient

Les cris de rage et de douleur des malchanceux.

  1. Maman

Pour sortir le dimanche, ma mère agrémentait son bouffant de cheveux noirs de crans brillantinés, elle plaçait des peignes sur les côtés pour soulever les mèches trop longues, elle poudrait son visage pour le mâtifier,

Coloriait ses joues et ses lèvres aux teintes des cerises, entre griottes et bigarreaux. Tout cet apparat rendait à l’évidence

La lumière pétillante de ses prunelles myosotis et de ses longs cils noirs.

  1. Grand-mère

Ma grand-mère paternelle vivait au fond d’une courée à Lille

La fenêtre du rez-de-chaussée se cachait derrière les géraniums

Rose pimpant et rouge brique.

Dans l’unique pièce où elle vivait,

Tout avait pris une teinte passée, couleur sépia,

Comme la grande photo du défunt mari,

Dans l’ovale du cadre, en uniforme de dragon de la guerre 14-18,

Ou celui de la petite fille perdue en bas-âge.

Les gâteaux secs aussi accusaient le temps passé dans la boite.

Seule, la voix de grand-mère chantant le grand air de « madame Butterfly » ou le « pays du sourire » avait gardé le cristal et la fraîcheur de ses jeunes années…

  1. Noël

Pour Noël, ma mère posait un « petit Jésus » de plâtre rose entre son père de brun vêtu et sa mère couverte de voile bleu ciel.

Nous petit déjeunions de chocolat chaud fondu doucement dans le lait et de la traditionnelle « coquille » de Noël, brioche à deux têtes, avec un petit trou au milieu du ventre pour simuler le nombril.

Ce pain gâteau avait un goût de paradis, à nul autre pareil, bien loin de l’insipide et blême hostie symbolique et tristounette de nos messes dominicales ponctuées de bâillements causés par des estomacs creux.

 

 

 

ma grand-mère paternelle (elle chantait des airs d'opéra )

 

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